Permis à points : le diable se cache dans les détails Introduction du permis à points : le prochain bug ?
Je vous le dis dès le début : je suis favorable au principe du permis à points.
Mais pas à n'importe quelles conditions !
Si le permis à points peut constituer un outil utile pour lutter contre la récidive, il peut aussi constituer une violation de la présomption d'innocence.
De plus, le risque est grand de voir attribuer des points à une personne qui n'était pas le conducteur au moment de l'infraction.
Vous allez comprendre ci-après les véritables enjeux du permis à points.
Qui attribue les points ?
Ces derniers temps, plusieurs articles de presse ont révélé certaines des modalités pratiques du permis à points.
Une question reste sans réponse : qui attribue les points ? La Police ? Le Parquet ? Le Tribunal ?
Examinons ensemble chacune de ces hypothèses.
La Police ? La Police a pour mission de constater les infractions en dressant un procès-verbal. Son rôle s'arrête là puisqu'une fois rédigé, le procès-verbal est transmis au Parquet. Il serait inadmissible que l'attribution de point(s) soit effectué par la Police. En effet, le rôle du policier n'est pas de sanctionner mais uniquement de transmettre ses constatations au Parquet.
Le Parquet ? Lorsque il reçoit le procès-verbal rédigé par le policier, le Parquet peut décider de lancer les poursuites devant le Tribunal ou de classer sans suite. Le rôle du Parquet n'est pas de sanctionner.
Le Tribunal ? S'il va de soi qu'une condamnation par un Tribunal pourra entraîner l'attribution de points, qu'en sera-t-il pour les nombreuses infractions qui ne sont pas poursuivies devant le Tribunal parce qu'elles font l'objet de la procédure Crossborder (perception immédiate, transaction et ordre de paiement) ? Vu qu'il s'agit de plusieurs millions de cas par an, Il est inimaginable que l'attributions de points soit soumise à un Tribunal.
Qu'en est-il alors ?
Pour le moment, aucune réponse n'est apportée à la question de savoir qui va attribuer les points. Il serait inadmissible que la rédaction du procès-verbal suffise à l'attribution de points. Ce serait une violation flagrante de la présomption d'innocence. Pour la même raison, ce ne peut être au Parquet d'agir puisqu'il a pour mission de lancer (ou non) les poursuites mais pas de sanctionner. Quant aux Tribunaux, ils sont déjà plus que débordés ...
A qui attribuer les points ?
Véhicules de sociétés ou de leasing
Un procès-verbal constatant une infraction commise par un véhicule de société ne permet pas d'identifier le conducteur (sauf le cas rare de l'interception).
En conséquence, l'attribution des points est rendue impossible.
Le Parquet demandera sans doute à la société d'identifier le conducteur au moment de l'infraction. Cependant, cette identification ne devrait pas permettre l'attribution de points à la personne désignée sans que cette personne ne reconnaisse explicitement avoir été le conducteur. Je serais cependant très étonné de voir que le projet de loi prévoit cette interpellation du conducteur désigné alors qu'il s'agit d'une question primordiale à poser à la question désignée. Imaginons , par exemple, le cas d'une société qui désigne un employé qui a "claqué la porte" et qui, par vengeance de son employeur mécontent, se voit injustement attribuer des points ... Ce serait la porte ouverte à tous les abus !
Quant aux banques de données FMS Renta et Banque-Carrefour des véhicules qui sont sensées contenir l'identité du conducteur habituel, la première n'a aucune valeur légale et la seconde est inexistente depuis sa création en 2010 !
Véhicules immatriculés au nom d'un particulier
Le cas des véhicules immatriculés au nom d'un personne physique pose tout autant de questions. Par exemple, le véhicule peut être immatriculé au nom du père de famille qui n'en était pas nécessairement le conducteur au moment de l'infraction.
Il existe bien une présomption (article 67 bis) suivant laquelle le conducteur est présumé être le titulaire de la plaque d'immatriculation.
Il faut cependant savoir que cette présomption disparaît dès que la copie du procès-verbal n'a pas été envoyée dans les 14 jours. Or, c'est le cas pour des millions procès-verbaux. Avant d'attribuer des points au titulaire de la marque d'immatriculation, va-t-on vérifier que le délai de 14 jours a été respecté ?
Imaginons que le délai ait été respecté mais que le titulaire de la plaque d'immatriculation désigne un autre conducteur que lui-même. Ce conducteur ainsi désigné va-t-il être interrogé quant à savoir s'il reconnaît avoir été le conducteur au moment des faits ?
Plus de questions que de réponses
Pour que le permis à points ne devienne pas un véritable cauchemar pour quiconque se verrait attribuer des points de manière automatisée, il me paraît indispensable de soulever dès à présent les questions qui précèdent.
En tant qu'avocat, ce n'est pas à moi à y répondre.
Mon rôle est, par contre, de vérifier que les autorités compétentes apportent des réponses respectueuses de la présomption d'innocence et ne créent pas un rouleau compresseur qui écrase même le citoyen respectueux du Code de la route.
Cette dernière hypothèse n'est pas un fantasme de ma part puisque, depuis la mise en oeuvre en 2018 du système d'automatisation des amendes routières, je constate quotidiennement des dysfonctionnements qui ne sont que trop rarement corrigés.
Gouverner, c'est prévoir (paraît-il).
J'attends dès lors la réponse des trois Ministres compétents pour être en mesure de vérifier le respect des règles d'un Etat de droit digne de ce nom.
En attendant, vous pouvez écouter (et voir) mon intervention du 23 novembre 2022 dans l'émission Matin première (RTBF). Cliquez ici.
En résumé
Pour résumer l'article en quelques points...
- Qui va attribuer les points ?
- A qui attribuer les points ?
- Permis à points : le prochain bug ?
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