Drogue et alcool : comment réellement lutter contre la conduite sous influence ? Article 42 : la déchéance pour incapacité physique ou psychique
Nous connaissons tous le fléau que constitue la conduite sous influence de l'alcool ou de la drogue.
L'actualité récente nous l'a encore rappelé (accident de Pierre Palmade).
En Belgique aussi, les chiffres sont affolants. Cela fait peur d'en prendre connaissance car c'est l'occasion de réaliser combien de conduteurs que l'on croise sur la route sont alcoolisés et/ou sous l'influence de la drogue. Nous les appelerons ci-après "conducteurs sous influence".
Que penser de la répression classique ?
Je ne vais pas détailler ici les peines classiques que vous connaissez sans doute : amende, déchéance, examens de réintégration, alcolock ou éthylotest antidémarrage, voire emprisonnement.
Cette répression classique montre quotidiennement ses limites. En effet, c'est tous les jours que des conducteurs sous influence causent des accidents graves (parfois mortels) alors qu'ils ont déjà subi ces sanctions classiques.
Et c'est toujours la même question qui revient. Pourquoi continuent-ils à conduire sous influence alors qu'ils ont déjà été sanctionnés ?
Ma réponse est simple : parce qu'ils sont malades. Et qu'aucune maladie n'a jamais été soignée par la répression.
Mon propos n'est certainement pas de leur trouver des excuses mais bien d'établir un bon diagnostic afin que la situation ne se reproduise pas.
Besoin d'une nouvelle loi ? Pas nécessairement !
Si on prend la peine de lire la loi relative à la police de la circulation routière, on découvrira un titre "Déchéance prononcée pour incapacité physique ou psychique".
Sous ce titre apparaît un article 42 qui dispose que La déchéance du droit de conduire doit être prononcée si, (...), le coupable est reconnu physiquement ou psychiquement incapable de conduire un véhicule à moteur.
Il s'agit donc d'une déchéance du droit de conduire qui n'est pas limitée dans le temps. Cependant, l'article 42 poursuit comme suit : La durée de la déchéance du droit de conduire dépend de la preuve que l’intéressé n’est plus inapte à conduire un véhicule à moteur.
En quoi l'article 42 offre-t-il une solution intéressante ?
A la différence des sanctions répressives classiques, l'article 42 envisage le conducteur sous influence sous l'angle médical. Pour rappel, l'article 42 parle d'être physiquement ou psychiquement incapable de conduire.
Il s'agit d'une approche intéressante en ce qu'elle envisage le prévenu comme pouvant souffrir d'une véritable dépendance à l'alcool ou à la drogue.
Il m'apparaît que cette démarche tient mieux compte de la réalité de la situation dans laquelle se trouve le prévenu. Ainsi, les possibilités de guérison seront plus vraisemblables.
Comment se déroule une procédure en article 42 ?
C'est lorsque le prévenu est cité à comparaître devant le Tribunal de Police que la question de l'application de l'article 42 peut se poser.
A la demande du Parquet ou de l'avocat du prévenu ou de sa propre initiative, le Tribunal de Police peut ordonner une expertise médicale du prévenu.
Cette expertise aura pour objectif de déterminer si le prévenu est capable physiquement et psychiquement de conduire un véhicule.
Il est primordial que l'avocat du prévenu ainsi que son médecin-conseil (c'est le médecin choisi par le prévenu lui-même) participent à cette procédure d'expertise. En effet, il me semble que seule une démarche coordonnée de tous les intervenants peut permettre au prévenu, ainsi bien entouré, de prendre conscience de sa dépendance et d'y remédier.
Certes, le rôle du médecin expert désigné par le Tribunal n'est pas d'ordre thérapeutique. Mais j'ai déjà assisté plusieurs clients qui, sous la menace de subir une déchéance du droit de conduire potentiellement "à vie" et bien entourés dans le cadre de l'expertise, ont trouvé la force de vaincre leur dépendance.
C'est très encourageant et gratifiant pour l'avocat que je suis de voir un client s'écarter de ses démons. Et, surtout, c'est très bénéfique en terme de sécurité routière.
Vous me répondrez que tout cet accompagnement a un coût financier. C'est vrai. Mais il faut savoir que tant l'intervention de l'avocat que celle du médecin-conseil peuvent être prises en charge dans le cadre de l'assurance protection juridique.
Le résultat de l'expertise
Soit l'expert désigné par le Tribunal estime, à l'issue de l'expertise qui peut prendre de nombreux mois, que le prévenu est en capacité de conduire. Derrière cette conclusion se cache souvent un long processus ayant permis au prévenu de "guérir".
Soit l'expert estime que le prévenu est dans l'incapacité physique et/ou psychique de conduire un véhicule. Dans ce cas, le Tribunal de Police ordonnera vraisemblablement la déchéance du droit de conduire. Cette mesure se pousuivra de manière indéterminée dans le temps tant que le prévenu ne démontrera pas qu'il a retrouvé sa capacité. C'est précisément cette possibilité de retrouver ultérieurement son droit à la conduite qui pourra permettre à la personne déchue de tout mettre en oeuvre pour aboutir favorablement. Ce sont souvent les démarches thérapeutiques déjà entreprises lors de l'expertise et poursuivies au-delà qui permettront au condamné de démontrer sa capacité retrouvée.
En pratique, le condamné devra attendre un délai de minimum 6 mois pour tenter de démontrer qu'il est guéri. Et, s'il n'y arrive pas du premier coup, il devra patienter minimum 6 mois entre chaque tentative. Il va de soi que, pour être pris au sérieux par le Tribunal, il est déconseillé d'introduire trop rapidement sa demande de révision.
En conclusion
S'il est exact que certains Parquets (je pense notamment à celui de Liège) requièrent l'application de l'article 42, beaucoup d'autres Parquets préfèrent requérir l'application des sanctions pénales classiques.
D'après moi, tous les Parquets du Royaume devraient, dans leur ensemble, solliciter plus souvent l'application de l'article 42.
Il y va de l'intérêt du prévenu et, surtout, de notre sécurité routière.
D'après moi toujours, il serait souhaitable que les Parquets identifient rapidement les prévenus susceptibles d'être concernés par l'application de l'article 42 et veillent à les faire comparaître devant le Tribunal dans les meilleurs délais.
En effet, l'article 42 est quasiment le seul outil de l'arsenal législatif qui permet d'entamer un potentiel processus de guérison et, en cas d'échec, d'écarter de nos routes le condamné jusqu'à sa future éventuelle guérison.
L'accident mettant en cause Pierre Palmade a encore rappelé l'importance et l'urgence de mettre en oeuvre les moyens disponibles pour veiller à une meilleure sécurité routière.
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